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 4 octobre 2023

Des cimetières naturels à l’«aquamation», comment mourir de façon écolo ?

 

Alors que l’inhumation d’un corps génère près de 800 kilogrammes de CO2 et pollue les sols, de nombreux Français·es réfléchissent à quitter ce monde différemment. Tour d’horizon de quatre alternatives à l’enterrement traditionnel.

Les cimetières écologiques, moins chers et moins polluants

A Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Sylvie rend visite, comme chaque semaine, à son conjoint, qui repose en paix dans le premier cimetière écologique d’Ile-de-France, inspiré de celui de Niort (Deux-Sèvres). Dans les allées de ce lieu de 1 560 mètres carrés, qui compte 157 concessions, pas de stèles classiques : tout est biodégradable, du cercueil à l’urne. «Il voulait laisser une empreinte écologique faible, ça lui tenait vraiment à cœur», confie la veuve avec émotion.

Les cercueils sont composés de bois non traité (essences françaises ou issues de forêts franciliennes : acacia, chêne, châtaignier), issus de matériaux recyclés et biodégradables. Les vêtements portés par les défunts sont en fibres naturelles. Aucun produit chimique pour la préparation et la conservation du corps n’est accepté. Autour des tombes, fleurs et arbres ont poussé depuis plusieurs mois. Autre avantage, non négligeable, de ce cimetière : à 294 euros pour une concession de dix ans contre 376 euros en moyenne, une inhumation écologique coûte environ 22% moins cher.

L’urne biodégradable, pour faire naître un arbre

Voilà une solution originale pour se faire enterrer. Depuis plusieurs années, des urnes bios sont mises en terre dans certains cimetières. Produites en France, elles sont constituées de matériaux 100% biodégradables. Au-dessus des cendres, une petite capsule faite de terre est prête à faire germer des graines pour donner naissance à un arbre à partir des cendres du défunt. Fabriquées en terre crue, en sable ou même en sel, ces urnes permettent de laisser le moins de trace possible.

«Les gens ressentent de moins en moins le besoin de se recueillir devant une tombe, ils sont moins attachés à un lieu qu’avant, explique Franck Villeur, directeur de L’Autre rive, entreprise de pompes funèbres qui vend en moyenne 30% d’urnes de ce type. Ces urnes bios se vendent très bien, les familles sont dans une recherche d’authenticité et de simplicité. Elles ont aussi une fibre écologique indéniable. De plus, elles ne veulent plus mettre des milliers d’euros dans un cercueil». Mais tout est question de changement de mentalités : «c’est une très belle avancée, mais la France demeure conservatrice. Nous sommes loin du modèle californien, où la plupart des enterrements sont écolos», conclut-il.

L'aquamation, dissout dans la machine

Autorisée en Australie, aux États-Unis et bientôt en Belgique, cette technique n’est pas encore légale en France. L’aquamation consiste à plonger le corps du ou de la défunte dans une eau bouillante (pouvait aller jusqu’à 180 degrés), avec une solution alcaline. Mise sous pression, celle-ci va dissoudre les protéines du corps, la graisse et le sang pour ne laisser que de l’eau. Cette technique, vieille comme le monde, servait à dissoudre les corps d’animaux au Moyen-Âge. Ce procédé utilise dix fois moins d’énergie qu’une crémation classique.

«Cette solution va détruire tous les tissus et il ne restera que les os. Bien que l’aquamation soit reconnue comme très peu polluante et respectueuse de notre terre, la législation française ne l’autorise pas encore», déplore Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire (Afif). L’un des freins à l’autorisation de l’aquamation en France est la pression des lobbies funéraires, désireux de continuer à vendre des centaines de milliers de cercueils dans l’Hexagone.

«Ces grands groupes funéraires sont très conservateurs. Ils font tout pour augmenter le coût des obsèques depuis 30 ans, tonne Michel Kawnik. Ils font pression pour que l’aquamation ne soit pas autorisée. Il faut rappeler que le coût des obsèques pour une famille française est la troisième dépense après l’habitat et l’achat d’une voiture.»

L'humusation, pour (re) devenir compost

Cette alternative écologique à l’enterrement classique est un processus naturel, qui se déroule sur 12 mois et qui vise à transformer un corps en compost. Revêtu d’un linceul biodégradable, le corps du ou de la défunt·e repose dans un cercueil, dont la base est une civière en inox réfrigérante, afin de ne pas recourir à des substances toxiques pour les sols. Avec cette technique, la dépouille du corps peut se transformer progressivement en humus. Cette pratique est pour le moment interdite en France.

«L’humusation permettrait de réduire considérablement la pollution. Les produits injectés pour la conservation des corps avant l’inhumation sont très toxiques, explique Michel Kawnik. Pour chaque corps, on injecte à peu près six litres de formol, pour que les défunts soient présentables aux familles. Ce formol va ensuite polluer les nappes phréatiques. Ces injections ne sont pas obligatoires, mais les entreprises funéraires les proposent encore aux familles. L’humusation, plaide-t-il, n’a aucun recours aux produits chimiques, il faudrait que cette technique soit enfin légale en France

Un article de Paul Boyer.

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Association Française d'Information Funéraire