20 MINUTES

1er novembre 2023

Journaliste : Frédéric Brenon

Toussaint : Charges, habitudes, lobby… La difficile percée du low cost dans le marché des obsèques

MORT Contrairement à plein d’autres secteurs d’activité, l’offre low cost ou discount est encore très peu développée dans le domaine des pompes funèbres. Dans le contexte d'inflation, les inhumations et crémations coûtent de plus en plus chères.

  • Très peu d’enseignes se revendiquant low cost ou discount sont parvenues à tirer leur épingle du jeu sur le marché des obsèques.
  • Pionnier dès 2012 en France, le réseau Ecoplus Funéraire est encore présent mais n’a pas connu le succès escompté.
  • L’association française d’information funéraire pointe du doigt l’appât du gain d’une partie de la profession, au détriment des familles.

Ils ont conquis le secteur des transports, de la grande distribution, de la banque, de la téléphonie ou de l’hôtellerie. Favorisés par l’essor du numérique, les modèles low cost, qui consistent à réduire significativement les coûts d’une entreprise pour proposer des tarifs moins chers que la concurrence, font partie des habitudes des Français. Mais, malgré le coût élevé d’une inhumation ou d’une crémation, l’offre à prix cassés peine à se faire une place sur le marché des obsèques. Très peu d’enseignes ont véritablement émergé. Quelques agences locales, souvent adossées à des groupes, tentent de se faire remarquer par des prix revendiqués « moins chers » ou « discount ». Lancé en 2012 par Le Choix Funéraire, le réseau national Ecoplus Funéraire est toujours présent mais son développement géographique est beaucoup plus réduit qu’espéré au départ.

On trouve aussi Révolution obsèques, piloté depuis onze ans par les services funéraires de la Ville de Paris, mais son intervention est limitée à quatre départements franciliens. On pourrait ajouter l’arrivée dans cinq grandes villes de la start-up InMemori, qui ne se considère pas low cost, sans oublier l’émergence de petites coopératives funéraires (Nantes, Rennes, Bordeaux, Dijon, Angers…) lesquelles, dans un esprit « citoyen », se démarquent en proposant des « justes prix ». Et c’est à peu près tout. Malgré l’inflation pesant durement sur le budget des familles, l’écrasante majorité des sociétés de pompes funèbres répond toujours à un modèle traditionnel dominé par deux grandes enseignes : PFG et Roc’Eclerc.

« Le public n’était pas suffisamment mûr »

« On a été un peu trop avant-gardiste », estime Jean-Christophe Alonzo, directeur général adjoint du groupe Udife, qui gère Ecoplus Funéraire. Pionner des magasins low cost en France, la marque, qui s’est fait connaître en proposant un forfait à partir de 1.250 euros (1.790 euros aujourd’hui), compte 22 agences alors qu’elle ambitionnait d’en posséder rapidement une centaine il y a dix ans. « Le but était de s’adresser non seulement aux gens dépourvus de moyens mais aussi à ceux qui se demandent pourquoi mettre autant d’argent dans une cérémonie d’un jour. Mais le public n’était pas suffisamment mûr pour ce type d’offres. Le contexte économique était moins tendu qu’aujourd’hui. Les relations avec les autres acteurs étaient également compliquées au départ. »

« Les acteurs digitaux n’ont pas pris l’essor qu’ils imaginaient et globalement la promesse de trouver un modèle permettant une alternative réelle au prix n’a pas eu d’effet, analyse de son côté Gautier Caton, porte-parole de la fédération nationale du funéraire (FNF). La raison est simple : toutes les entreprises de pompes funèbres sont contraintes par une charge technique et logistique lourde (personnel, engins, dépôt…). Le prix des obsèques dépend aussi beaucoup du lieu où se trouve le défunt, ce qui n’est jamais anticipable. On est également tous soumis à la même réglementation en matière de rémunération. Il est donc extrêmement difficile de réaliser des économies là-dessus. Et quand on regarde la réalité des prix, la promesse d’obsèques moins chères est parfois seulement de la communication. »

« 80 % des enseignes privilégient leur rentabilité et le bénéfice »

La fédération professionnelle, qui considère que « la plupart des entreprises font des efforts tarifaires, même si elles n’en font pas la publicité », relève aussi que le marché des obsèques reste principalement « un marché de proximité », les familles restant attachées aux « acteurs locaux », sans nécessairement comparer les prix. « Quand il s’agit de dire adieu à un défunt, toutes les familles ne veulent pas à tout prix payer le moins cher », souligne Gautier Caton. 

Michel Kawnik, le président de l’association française d’information funéraire (www.afif.asso.fr), laquelle défend l’intérêt des familles en deuil, confirme l’importance du choix de « proximité ». Mais l’association pointe surtout du doigt l’attrait mercantile d’une partie de la profession. « Il y a malheureusement 80 % des enseignes qui ne respectent pas une éthique commerciale et privilégient la rentabilité et le bénéfice, au détriment du besoin des familles et de la possibilité d’offrir des prestations beaucoup plus raisonnables », juge Michel Kawnik.

Chez Ecoplus Funéraire, les économies d’échelle permettant de garantir de « bas tarifs » sont principalement réalisées sur la surface des locaux, le personnel (pas de maître de cérémonie, deux porteurs au lieu de quatre…) et le choix restreint de produits funéraires, selon sa direction. « Nous ne disposons, par exemple, que de trois modèles de cercueils, en pin, de 400 à 600 euros », assure Jean-Christophe Alonzo, représentant de la marque. Le prix de cercueils plus travaillés, avec des essences de bois jugées plus nobles, peut facilement atteindre plusieurs milliers d’euros dans la plupart des enseignes.

« Un nombre extrêmement limité d’entreprises proposent des cercueils premiers prix sur leur catalogue alors que ces cercueils agréés sont employés absolument partout en Europe, s’indigne Michel Kawnik. Il y a une entente et un lobby funéraire en France qui entretient une certaine loi du silence et ne permet pas de faire connaître aux familles l’existence de ce type de produits. » Globalement, l’association française d’information funéraire recommande de « prendre le temps nécessaire pour sélectionner une société de pompes funèbres » en demandant systématiquement « plusieurs devis ».

Une enquête menée en 2019 par UFC-Que choisir faisait état d’un coût moyen de 3.815 euros pour une inhumation, et de 3.986 euros pour une crémation, avec « de très grandes variations de prix » entre les différents opérateurs étudiés. Compte tenu de l’inflation, le coût moyen dépasserait 4.500 euros aujourd’hui. Observant les « difficultés financières croissantes des familles » dans ce contexte inflationniste, le réseau Ecoplus Funéraire envisage l’ouverture d’une dizaine de nouveaux magasins à court terme. « Le rapport au prix a changé. Ce segment du low cost va se développer », est convaincu Jean-Christophe Alonzo.

Sollicité, le groupe OFG ne nous a pas répondu.

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Association Française d'Information Funéraire