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30 octobre 2015

 

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Nicolas Beunaiche

Toussaint: Disperser des cendres dans Paris, à vos risques et périls

La pratique est interdite depuis 2008, mais les contrôles sont difficiles à réaliser…

Grand classique du cinéma, la pratique a tout de la légende romantique ou du privilège de star. Et pourtant, faire disperser ses cendres aux quatre vents, c’est possible, même en France. Que l’on soit Jean Gabin, Maria Schneider ou simple citoyen.

La perspective semble d’ailleurs séduire les Français, dont la moitié dit préférer la crémation à l’inhumation pour leurs propres obsèques. Parmi ceux-là, 59 % disent en effet vouloir que leurs cendres soient dispersées dans la nature, contre seulement 39 % dans un cimetière, selon un sondage Ipsos publié par les Services funéraires-Ville de Paris (SFVP)en octobre. Reste à définir la « nature ».

Reposer au fond de la Seine…

La loi de 2008 relative à la législation funéraire ne le fait pas ; y est simplement précisé que « la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du lieu de naissance du défunt », où un registre doit indiquer la date et le lieu de dispersion des cendres pour permettre le recueillement. Une circulaire ministérielle de 2009 entretient le flou, en renvoyant à « l’interprétation souveraine des tribunaux ». Mais elle introduit tout de même la notion essentielle « d’espace naturel non aménagé ». Une nuance qui a son importance à Paris.

« La mairie a tranché la question en 2009, rappelle François Michaud-Nérard, directeur général des SFVP : il n’y a pas d’espace naturel à Paris. » Les amoureux des Buttes-Chaumont, du parc Monceau ou du bois de Boulogne peuvent donc passer leur chemin. Idem pour ceux qui songent à reposer au fond de la Seine, comme cette avocate dont les cendres avaient été jetées à l’eau, près du palais de justice, il y a environ dix ans. Car le fleuve est considéré comme une « voie navigable », donc publique, rappelle Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération française de pompes funèbres. « A Paris, le seul endroit naturel et public où l’on peut disperser des cendres, c’est le jardin du souvenir du Père-Lachaise », résume Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire.

…ou au jardin du Luxembourg ?

Les airs ne sont pas non plus libres d’accès. « Les cendres finissent par retomber au sol, donc potentiellement sur une voie publique », justifie François Michaud-Nérard. Sans compter que survoler la capitale est de toute façon interdit. L’entreprise de pompes funèbres parisienne L’Autre Rive, qui propose à ses clients de disperser les cendres d’un défunt du haut d’une montgolfière ou par des feux d’artifice, ne l’a logiquement jamais fait à Paris. « Personne n’en a même jamais fait la demande, précise Isabelle Plumereau, directrice associée de l’entreprise. Ce serait de toute façon très dangereux… »

Dans les faits, les contrôles de police sont toutefois très lâches. Tous les acteurs du secteur assurent rappeler systématiquement la loi à leurs clients, mais soulignent également leur impuissance à s’assurer qu’elle est respectée. « Chacun prend ses responsabilités », avance Michel Kawnik. Dans leur immense majorité, les familles se conforment évidemment à la loi, assure-t-il. « Mais il y a forcément des gens à la limite de la légalité… » Voire franchement au-delà.

Isabelle Plumereau se souvient par exemple de clients qui voulaient jeter les cendres d’un défunt dans la Seine. Michel Kawnik aussi : « Ils voulaient les disperser du haut d’un pont de la capitale. » Et puis il y a cette famille qui souhaitait que les cendres de l’un de ses membres, incinéré, soient versées « dans le jardin du Luxembourg ». Sont-ils finalement passés à l’acte ? Mystère. Les défunts ont emporté leur secret dans la tombe… ou ailleurs.
 

 
 
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Association Française d'Information Funéraire