LE TELEGRAMME

 27 novembre 2012

 

Services funéraires. Le «low cost» débarque

Le phénomène «low cost» touche désormais le domaine des funérailles. Les services funéraires de la ville de Paris viennent de lancer une offre d'obsèques à bas coût et uniquement sur internet : 789 euros, mais pas tout compris. Une formule qui devrait faire son apparition en Bretagne.


Mieux vaut mourir à Langonnet qu'à Paris


«Cochez ici si le défunt avait un pacemaker». Cocher ? Il s'agit, en réalité, de cliquer pour remplir un devis d'obsèques en ligne. Nouvelle tendance du marché funéraire, il est désormais possible d'organiser un enterrement dans son intégralité sur internet. 

Une centaine de visites quotidiennes 

Lancé le 1er juillet dernier par les services funéraires de la ville de Paris, le site baptisé «Révolution obsèques» enregistre une centaine de visites quotidiennes. Le client y indique le «lieu de départ» et le «lieu d'arrivée» et, entre les deux, complète une série d'informations: inhumation ou crémation? Culte musulman, catholique, bouddhiste... ? «Depuis deux ans, nous remarquions que 10% de notre clientèle préférait réaliser ses démarches sans se déplacer, par téléphone», assure Cendrine Chapel, directrice générale adjointe, «et la crise économique incite aussi à rechercher des prestations matérielles à bas coût». 

«Notre modèle a été Ikea» 

Pour 789 euros, l'entreprise propose un cercueil «entièrement équipé» en deux tailles, le corbillard avec chauffeur et la «coordination» entre la famille du défunt, le cimetière, etc. Le reste est optionnel. La famille porte elle-même le cercueil, au départ, de la chambre mortuaire au corbillard, puis dans le lieu de culte, si lieu de culte il y a. «C'est très fréquent maintenant de voir une famille vouloir honorer le défunt en le portant. On le voit dans les enterrements de "people"», précise Cendrine Chapel. L'ensemble des démarches administratives à accomplir incombe également à la famille. Sinon, l'entreprise peut se charger du portage (122 euros au départ et 239 euros dans le lieu de culte) ou de la partie administrative. Le prix total peut alors s'élever à 1.389 euros, une somme nettement sous le prix du marché : «Notre modèle a été Ikea: proposer de la qualité mais transférer un certain nombre de charges et la main-d'œuvre aux clients.» 

La crémation plébiscitée 

En l'espace de deux mois, le site aurait généré 200 devis qui, pour 25%, ont finalement donné lieu à un contrat. Et le reste? Pour l'essentiel, ces devis n'ont pas abouti car «les personnes ne sont en fait pas décédées». Émouvante prévoyance des héritiers... Autre donnée intéressante: 85% des réalisations ont donné lieu à une crémation. Outre une «athéisation» de la société française et une conscience écologique accrue, leur plus faible coût explique également la hausse des crémations. Quasi inexistante voilà trente ans, la crémation serait choisie aujourd'hui dans 30% des décès. Cette offre d'obsèques «low cost», plutôt bien accueillie par les associations de consommateurs, irrite Michel Kawnik. Le président de l'Association française d'information funéraire, organisme d'information indépendant, y voit là une offre «au ras des pâquerettes. La ville ne voudrait-elle pas inciter les familles sans grandes ressources à payer elles-mêmes les obsèques, évitant ainsi à la municipalité de les prendre en charge, comme la loi le lui impose?». Une loi prévoit en effet que les communes règlent les frais d'obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes. 

Un marché florissant 

«Le budget consacré aux obsèques est le troisième, après l'habitat et la voiture. C'est donc un énorme business (1,5 milliard d'euros pour les seuls services funéraires) où l'on profite de la détresse des gens et de leur méconnaissance», souligne Michel Kawnik.

Glen Recourt

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Association Française d'Information Funéraire