L' AISNE NOUVELLE

29 septembre 2009

 

Les Béra victimes d'une macabre arnaque

 

Un couple de Saint-Quentinois a subi une escroquerie (l'affaire est en cours d'instruction) après avoir souscrit un contrat de prévision d'obsèques, dont les prestations ne seront pas honorées. Marché en croissance, le secteur des services funéraires représente près de 3,5 milliards d'euros dans toute la France. Un succès économique qui charrie son lot de malheurs.

 

Il y a deux ans, lorsqu'Eliane Béra, remonte la rue Georges-Pompidou pour aller acheter une plaque pour le tombeau de sa belle-mère aux pompes-funèbres Roc-Eclerc, elle trouve une enseigne désertée, fermée.
Plus qu'un simple article funéraire, elle vient de faire une croix sur des contrats qu'elle avait signés avec cette franchise en 2001. Ces derniers portaient sur la prise en charge de ses obsèques, ainsi que celles de son mari René, et sur l'entretien de trois tombes familiales. Le montant total s'élevait à 25 000 euros, une somme déjà réglée et encaissée. Depuis la faillite de l'agence Roc-Eclerc, l'ensemble de ces prestations n'a toutefois pas été honoré et ne devrait jamais l'être.
Présidente des équipes Saint-Vincent à Saint-Quentin, Maryse Ernestes effectue régulièrement des « visites de courtoisie » dans les maisons de retraite et les résidences pour personnes âgées de la ville. Alertée par la situation de ce couple de septuagénaires résidant au béguinage Bellevue, elle décide alors de prendre le dossier en main. « Je l'ai pris à cœur car ce sont des personnes fragiles. C'est la première fois que je fais ça. »
S'ensuivent courriers et appels de téléphoniques à la maison mère « qui n'aboutissent jamais car elle refuse de prendre en charge les défaillances de ses franchises. Je ne comprends pas ça. » Joint hier à plusieurs reprises par téléphone, le siège de la société Roc-Eclerc n'a malheureusement jamais été en mesure de s'exprimer sur ses relations avec les franchises de son réseau.
Le 1er février 2008, une plainte est enfin déposée auprès de la brigade de recherche de Beauvais, où Maryse Ernestes a entendu dire que d'autres escroqueries de ce type ont été signalées dans l'Oise. La gérante de l'ancienne agence Roc-Eclerc de Saint-Quentin y aurait notamment ouvert une nouvelle société. L'information de l'existence de plusieurs cas similaires a été confirmée par les enquêteurs qui ont cependant souhaité rester discrets sur le dossier Béra.
  
« Enterrés comme des chiens »
  
De son côté, Michel Kawnik ne reste guère surpris par ce type de pratique. « Il y a trop d'escroqueries de ce genre », s'insurge le président de l'Association française des informations funéraires (AFIF) dont le but est de sensibiliser le grand public aux subtilités du très lucratif marché de la mort.
Dans cette affaire, la naïveté du couple aura, notamment, été d'avoir traité directement avec une entreprise de pompes funèbres alors qu'une société d'assurance doit toujours servir d'intermédiaire. « C'est obligatoire et fixé par une loi de 1995. » Fidèles clients de la maison Berdou qui précédait l'agence Roc-Eclerc au 82 de la rue Georges-Pompidou, les Béra avaient « une entière confiance en l'endroit ». Ils n'ont désormais qu'une crainte : celle d'être « enterrés comme des chiens ».

 

UNE REGION OU IL FAIT BION MOURIR...
L'affaire du couple Béra n'est pas forcément représentative d'une région relativement épargnée par les escroqueries liées aux services funéraires. Cela tient à la structure locale de ce marché qui tire les prix à la baisse. « C'est une région où il n'y a pas de monopole d'un acteur économique et qui connaît donc une vraie concurrence entre entreprises. Ce n'est pas si évident dans la mesure où le monde du funéraire est régi par des ententes et fait en sorte de ne pas tenir la population informée. Et c'est profitable, car les prix sont plus corrects et les prestations de meilleure qualité », affirme Michel Kawnik, président de l'association française d'information funéraire (AFIF) qui relève par ailleurs d'autres spécificités locales.
En effet, les Picards montrent « un fort attachement aux monuments funéraires », comme en attestent nombre de tombeaux et caveaux fleuris. Ce souci se caractérise également par les nombreuses plaques déposées sur ces derniers, à tel point que les professionnels du secteur donnent le nom de « voiliers » à certains d'entre eux. « On peut dire que c'est atypique et que ça relève d'une vraie culture locale. »
Sur la commune de Saint-Quentin, le marché demeure donc bien vivace. La Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Aisne recense ainsi dix entreprises spécialisées dans la prise en charge des obsèques, ainsi que dans la fabrication de monuments funéraires, et une entreprise de vente d'articles au détail. En revanche, alors qu'elle rencontre une demande croissante notamment en milieu urbain, la crémation reste mal développée sur le Saint-Quentinois où il n'existe pas de crématorium. Aujourd'hui, un Saint-Quentinois ne peut se faire incinérer qu'à Amiens ou Lille. Demain, ce service pourrait être rendu à Holnon où un projet est en cours.

 

REPERES
> En France, le marché des services funéraires représente un chiffre d'affaires annuel oscillant entre 3 et 3,5 milliards d'euros. Le coût moyen d'une inhumation ou d'une crémation est compris entre 3 000 et 3 500 euros.
  
> A Saint-Quentin, il existe trois cimetières communaux dont l'un, chemin d'Harly, héberge notamment le seul colombarium de la ville. :
  
> En 2008, la mairie a dû négocier 282 concessions. 174 ont été vendues (8 pour 10 ans, 45 pour 30 ans, 91 pour 50 ans et 30 à perpétuité). 108 ont été renouvelées (65 pour 10 ans, 34 pour 30 ans et 9 pour 50 ans)
  
> Du 1er janvier au 28 septembre 2009, 184 ont déjà été cédées, soit 104 vendues et 80 ont été renouvelées.

 

 

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