Réductions de corps

"L'accord des plus proches parents est nécessaire"

 

Arrêt n° 634 du 16 juin 2011 (10-13.580) - Cour de cassation - Première chambre civile
Cassation partielle
Demandeur(s) : Mme L.. X.. ; et autres
Défendeur(s) :Mme E.. C.. ; et autres


Attendu que R... X... a acquis en 1939 dans le cimetière communal d’E...une concession trentenaire n° 166 de deux mètres superficiels où ont été inhumés ses parents, décédés respectivement en 1939 et 1952 ; qu’en 1971, il a obtenu une nouvelle concession trentenaire n° 487 portant sur le même emplacement ; qu’il est décédé le 15 juin 1979 et a été inhumé dans une concession perpétuelle n° 363 qui lui avait été consentie dans le même cimetière ; qu’il a laissé pour héritiers ses six enfants ; que l’un de ses fils, A... X..., est décédé le 21 février 1994 et a été incinéré ; que la veuve de celui-ci, Mme C..., a été autorisée par ses belles-soeurs et beaux-frères à enterrer l’urne funéraire dans la concession n° 487 et par le maire de la commune d’E...à exhumer les deux corps déposés en ce lieu aux fins de les réunir dans un même cercueil ; qu’ayant appris en 2006 que Mme C... avait fait procéder en 1994, sans les en informer, à la réunion des corps de leurs grands-parents par l’entreprise de pompes funèbres Marbrerie Drillien Funenord aux droits de laquelle se trouve la sociétéOGF et avait obtenu une concession perpétuelle à son nom à l’emplacement de la concession n° 487, les consorts X... ont assigné Mme C..., la commune d’E...et l’entreprise de pompes funèbres en réparation de leur préjudice ; que l’instance, interrompue en 2007 par le décès de R... X..., a été reprise par ses héritiers ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... font grief à l’arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la commune d’E...et Mme E... C..., fondées sur l’atteinte à leur droit de propriété sur la concession n° 487, alors, selon le moyen :1°/ que l’atteinte aux droits du titulaire d’une concession funéraire consistant en une dépossession de la concession accompagnée d’une réduction de corps ne peut être réparée par la seule restitution de la concession ; que la cour d’appel a expressément relevé que les consorts X... A... ont été irrégulièrement dépossédés de leurs droits réels sur la concession n° 487/n° 166 par la commune d’E...au profit de Mme C... X... qui a fait procéder à la réduction et à la réunion des corps de M. et de Mme A... X... ; qu’en se bornant à ordonner la restitution de la concession, la cour d’appel a violé l’article L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales ;
2°/ qu’en se contentant d’ordonner la restitution de la concession n° 487/166, la cour d’appel, vis-à-vis de Mme C... X..., a violé l’article 1382 du code civil ;
3°/ qu’en relevant, pour limiter leur droit à réparation à la restitution de la concession n° 487/n° 166, que les consorts X... A... ne justifient pas d’un préjudice au cours de la dépossession cependant que l’atteinte aux droits du titulaire d’une concession funéraire consistant en une dépossession de la concession accompagnée d’une réduction de corps est en elle-même constitutive d’un préjudice, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales s’évinçant de ses propres constatations, a violé l’article L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales ;
4°/ que ce faisant, vis-à-vis de Mme C... X..., la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
5°/ qu’en relevant, pour priver les consorts X... A... de leur droit à réparation, que Mme C... X... a effectué à ses frais des travaux à l’emplacement de la concession dont elle ne demande pas le remboursement, la cour d’appel, qui a relevé une circonstance inopérante à justifier d’une réparation au dommage subi par les titulaires de la concession par suite d’une dépossession avec réduction de corps, a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
6°/ qu’en statuant ainsi, elle a derechef privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales ;
Mais attendu qu’après avoir relevé que le maire de la commune d’E...avait commis une voie de fait en consentant à Mme C... une concession sur l’emplacement de la concession des consorts X... et que Mme C... avait également commis une faute en s’appropriant cette concession familiale, la cour d’appel a souverainement estimé que le préjudice subi par les consorts X... avait été intégralement réparé par la restitution à ces derniers de la concession litigieuse et par la renonciation de Mme C... au remboursement des taxes acquittées pour cette concession perpétuelle ainsi que des frais exposés en 1994 pour la réfection du caveau ; que le moyen, qui ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation souveraine, ne peut être accueilli ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article R. 361-15 du code des communes devenu l’article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales ;Attendu que pour débouter les consorts X... de leurs demandes en réparation du préjudice causé par la réunion des corps des époux X...-D... formées à l’encontre de Mme C..., de la commune d’E...et de la société OGF, l’arrêt énonce qu’aucun texte ne subordonne l’opération de réunion de corps à l’autorisation préalable des plus proches parents et que l’article R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales, qui ne traite que de l’exhumation d’un corps, ne peut s’appliquer à l’opération funéraire de réunion de corps ; 
Qu’en statuant ainsi , alors que l’opération de réunion de corps s’analyse en une exhumation subordonnée tant à l’accord des plus proches parents des personnes défuntes qu’à l’autorisation préalable du maire de la commune, la cour d’appel a violé, par refus d’application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a débouté les consorts X... de leurs demandes en réparation du préjudice causé par la réunion des corps des époux X...-D... formées à l’encontre de Mme C..., de la commune d’E...et de la sociétéOGF, l’arrêt rendu le 17 novembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon

Président : M. Charruault

Rapporteur : Mme Chardonnet, conseiller référendaire

Avocat général : M. Mellottée

Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Defrenois et Levis ; Me Le Prado

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