LE PARISIEN

16 février 2022

 

93 | BOBIGNY Sébastien ne comprend pas comment le cadavre de son père, décédé d’une crise cardiaque, a pu rester aussi longtemps dans la salle de bains. Il compte déposer plainte contre X pour non respect de la dignité humaine.
HELENE HAUS

Cinq jours après sa découverte, le corps de son père est encore à la maison

IL L’A RETROUVÉ près des toilettes, à genoux, prostré et à moitié dénudé. « Je viens tout juste de sortir de chez lui. Comment peut-il être laissé comme ça ? Ça fait quatre jours que ça dure », s’émouvait Sébastien. Hier midi, cet Alsacien est venu voir le corps de son père, Michel, un retraité de 63 ans retrouvé mort par les pompiers et la police dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 dans son appartement de Bobigny. C’est une amie du défunt qui a donné l’alerte. Elle n’arrivait plus à joindre le père de famille depuis plusieurs jours. Vendredi, elle demande donc à la propriétaire du logement de Michel de se rendre sur place. La porte est fermée de l’intérieur et la propriétaire décide d’appeler les secours.

« On a attendu toute la journée un coup de fil de la police ou de la mairie » Michel est retrouvé mort. Un médecin constatera son décès par crise cardiaque. « C’est la propriétaire qui nous a alertés du décès de notre père. On a attendu toute la journée de samedi un coup de fil de la police ou de la mairie. On pensait qu’ils avaient pris les choses en main vu qu’il n’y avait aucun proche sur place, mais personne ne nous a appelés, relate Sébastien. Le dimanche, j’ai téléphoné aux pompes funèbres du secteur, mais ils m’ont dit qu’ils n’avaient personne au nom de mon père. J’ai fini par savoir qu’il était toujours chez lui. »
   Sébastien se rend donc à Bobigny où il arrive le dimanche soir. « Le lundi matin, j’ai contacté une entreprise de pompes funèbres, mais elle m’a dit que le délai de 48 heures après la mort étant passé, elle ne pouvait pas transférer mon père vers une chambre mortuaire. Pour des raisons d’hygiène, il doit être mis en bière directement dans l’appartement, sauf qu’ils disent qu’ils ne peuvent rien faire avant mercredi matin (aujourd’hui), car il faut quatre personnes disponibles. Mon père va donc encore rester chez lui dans cet état, alors qu’il est certainement mort en milieu de semaine dernière. » Sébastien s’est donc résolu hier à se rendre dans l’appartement. « Ce n’était pas facile à voir », souffle-t-il. Avant de dénoncer les nombreuses erreurs ou approximations dans la gestion du dossier. « Les pompiers se sont trompés sur le lieu du décès, ils ont mis chambre au lieu de salle de bains. Le certificat de décès est inexact puisqu’il indique que mon père est mort samedi matin alors qu’il était là depuis deux ou trois jours. Les pompiers et la police ont dit : on s’en occupe, mais ils ne nous ont pas contactés, la mairie non plus. Les pompes funèbres ne peuvent pas intervenir tout de suite… Personne ne semble s’inquiéter de savoir s’il n’y a pas un risque sanitaire à le laisser comme ça. »

La municipalité dit comprendre « la colère et le choc » de la famille « Lorsqu’une personne décède à domicile, il y a des précautions à prendre, confirme Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire (Afif), un organisme à but non lucratif créé pour accompagner les proches des défunts dans leurs démarches. S’il reste à domicile, il faut rapidement recouvrir le corps de glace carbonique ou l’installer dans un lit réfrigérant pour qu’il ne se détériore pas trop vite. Sinon il peut être orienté vers une chambre funéraire privée. Rien n’oblige cependant les proches à choisir les services de la société détenant la chambre funéraire pour la suite des démarches. »
   Michel Kawnik rappelle qu’un corps ne peut pas être touché avant la venue du médecin. « Mais une fois qu’il est déclaré mort d’une cause naturelle, on peut le déplacer, voire le placer dans une housse. Il ne faut bien sûr pas le laisser dans une position dégradante. » « Je ne comprends pourquoi rien n’a été fait en ce sens », s’étonne Sébastien, qui compte porter plainte contre X pour non-respect de la dignité humaine. « Quand je demande au commissariat ce qu’il s’est passé, on me renvoie vers la mairie et la mairie vers le commissariat », décrivait-il hier matin.
   « Si aucune famille n’est présente, la mairie peut demander le transfert du défunt vers une chambre mortuaire. Mais normalement, c’est à la famille de faire cela », souligne de son côté Michel Kawnik. Hier, en milieu après-midi, après s’être entretenue avec Sébastien, la mairie a demandé aux pompes funèbres d’intervenir au domicile de Michel qui a finalement été placé dans une housse avant sa mise en bière. L’entreprise de pompes funèbres nous indiquait pourtant mardi en début d’après-midi qu’elle n’avait pas la possibilité d’intervenir plus tôt.
   « Il y a visiblement eu une incompréhension dans cette histoire », rappelle la mairie indiquant comprendre « la colère et le choc » de la famille.
   Contactés, les services de police n’étaient pas en mesure de répondre à temps à nos questions hier.

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Association Française d'Information Funéraire