LE COURRIER PICARD

30 octobre 2018

 

Des cimetières au bord de la saturation en Picardie

Inhumer un proche dans le lieu de son choix sera-t-il toujours possible ? Rien n’est moins sûr. Même si l’on est encore loin de la problématique parisienne, où tous les cimetières sont saturés et obligent les Franciliens à se faire inhumer en banlieue, certaines villes picardes commencent également à être confrontées au manque de place.

À Noyon (Oise), par exemple, où une centaine d’inhumations sont réalisées chaque année, il ne reste que 37 emplacements disponibles dans les deux cimetières de la Ville. C’est loin d’être un cas isolé. «  Ce phénomène gagne de nombreuses villes où les populations augmentent, mais où les cimetières ne sont pas forcément extensibles, ce qui est un vrai problème  », constate Michel Kawnik, président de l’association française d’information funéraire. (http://www.afif.asso.fr/francais/Default.htm)

 Pour y remédier, de plus en plus de communes optent pour la reprise de concessions, que celles-ci soient temporaires (15, 30 ou 50 ans), ou même perpétuelles. Contrairement aux idées reçues en effet, une concession perpétuelle n’a pas forcément valeur d’éternité. Celle-ci peut-être remise en cause au bout de 30 ans en cas de défaut manifeste d’entretien, et si aucune inhumation n’y a été effectuée au cours des 10 dernières années (50 ans si le défunt est mort pour la France.)

 « Retrouver des héritiers, cela n’a rien d’anodin »

 Ainsi, de nombreuses collectivités traquent ces concessions abandonnées dans le but de faire de la place dans leurs cimetières. Des procédures lourdes et très longues (5 ans en moyenne), qui conduisent de plus en plus de municipalités à faire appel à des sociétés spécialisées.

Créée il y a 20 ans, Gescime, entreprise basée en Bretagne, gère les sites funéraires pour plus d’un millier de collectivités, dont une vingtaine en Picardie parmi lesquelles Noyon, Chambly, Saint-Quentin ou encore Abbeville. «  Nous sommes de plus en plus sollicités pour des procédures de reprise de concession, constate Véronique Postec, directrice de Gescime. C’est un travail de longue haleine qui demande aussi beaucoup de rigueur, casser un contrat, retrouver des héritiers, cela n’a rien d’anodin et prend du temps, c’est pourquoi nous encourageons les municipalités à anticiper. Si l’on sait que l’on va manquer de place dans 4 ou 5 ans, c’est aujourd’hui qu’il faut s’y prendre. »

Crémations en hausse

À Amiens, où certains cimetières comme Saint-Pierre, Petit-Saint-Jean ou SaintAcheul commencent à manquer de places, la reprise de concessions temporaires est effective depuis plusieurs années. Environ 200 exhumations sont réalisées h é chaque année. C’est en revanche beaucoup plus compliqué dans un cimetière comme celui de la Madeleine, où repose l’écrivain Jules Verne, qui revêt un caractère historique et patrimonial. La Ville semble néanmoins à l’abri d’une éventuelle saturation, notamment depuis l’ouverture du crématorium, en 2015, ou le nombre d’incinérations est passé de 760 la première année à près d’un millier en 2017. En France, la crémation concerne aujourd’hui plus d’un obsèque sur trois (38 %), soit trois fois plus qu’il y a vingt ans. Un choix qui doit beaucoup à l’évolution des mentalités mais qui est également motivé par des facteurs économiques. À Amiens par exemple, il faut compter près de 7 000 euros pour obtenir une concession perpétuelle dans un cimetière. «  Même dans la mort, il y a une forme de ségrégation par l’argent  », déplore Michel Kawnik.

 

Peut-on reposer dans la commune de son choix ?

En théorie, le Code général des collectivités territoriales prévoit de pouvoir être inhumé dans le cimetière de son choix, quel que soit son lieu de résidence. Néanmoins, à condition de motiver sa décision, un maire peut s’y opposer, soit par manque de place, soit parce qu’il considère que cela est susceptible de causer un trouble à l’ordre public. Une question qui peut se poser, malheureusement, dans le cas de l’inhumation de terroristes.

En 2012, la Ville de Toulouse n’avait pu faire valoir cet argument pour s’opposer à l’enterrement de Mohamed Merah au regard du droit de sépulture, qui permet à quiconque d’être enterré dans la ville où il décède. Plus généralement, le défunt est enterré dans le terrain commun de la ville où il réside habituellement. Si cette commune englobe plusieurs cimetières, il sera placé dans celui dont dépend son domicile, ou celui assigné par le maire en fonction des places disponibles.

Plus rare, mais légal, il est également possible d’être inhumé sur le terrain de sa propriété, sous certaines conditions : avoir exprimé ce souhait nommément, avoir obtenu l’autorisation du préfet, mais également celle d’un ingénieur hydrologue certifiant que les sols ne sont pas sujets à infiltration, et qu’il n’y ait pas de nappe phréatique à proximité. Par ailleurs, l’inhumation en propriété privée impose que la tombe soit installée à une distance minimale de 35 mètres des habitations voisines.

Enfin, il est également possible d’être inhumé à l’étranger. Plusieurs démarches administratives sont nécessaires auprès du consulat du pays concerné, et il faut prévoir un transport spécial en cercueil hermétique.


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