LE PARISIEN

29 janvier 2016

 

Les douteux arrangements d'une entreprise de pompes funèbres

VOL. Une entreprise bretonne de pompes funèbres est soupçonnée de retirer les garnitures de cercueils pour les revendre à d'autres familles de défunt.

Le cimetière d'Etables-sur-Mer, localité des Côtes-d'Armor de 3 100 habitants, a connu une activité particulière mercredi. Le corps d'une femme y a été exhumé sous le contrôle de gendarmes. Les militaires enquêtent sur les pratiques d'une entreprise de pompes funèbres locale, le Choix funéraire, soupçonnée de vols et d'abus de confiance au détriment des familles de défunt. Cette entreprise aurait retiré les crucifix et les capitonnages garnissant les cercueils juste avant de mettre les corps en terre pour pouvoir les revendre ensuite à d'autres clients. Des housses mortuaires auraient aussi été réutilisées. Mercredi, les gendarmes ont pu constater l'absence d'habillage dans le cercueil exhumé.

«Voler les morts, c'est d'une bassesse sans nom»

Il avait pourtant été facturé une centaine d'euros à la famille. C'est un marbrier du département qui a dénoncé les agissements du professionnel. « J'étais au courant de ce qu'ils faisaient depuis plusieurs années. Les porteurs funéraires qui travaillaient pour la société m'ont dit que c'était courant. J'ai moi-même vu Thierry Morice, le dirigeant, rouvrir le cercueil scellé d'un jeune de 20 ans », confie le marbrier. Il s'est finalement décidé à contacter les gendarmes après avoir pris connaissance d'une longue lettre manuscrite rédigée par une ancienne salariée corroborant ses soupçons. « Il fallait vraiment que ça se sache pour que cela s'arrête », affirme cette femme qui a travaillé pour l'entreprise en tant qu'assistante funéraire. 

Elle se souvient d'avoir assisté, au début de sa carrière en 2011, à l'enlèvement d'un capitonnage dans un cercueil. « Trois jours après, mon patron m'a demandé d'en déscratcher un autre. Quand je lui ai dit que je ne l'avais pas fait, il m'a traitée d'incapable », raconte l'ancienne salariée, qui a témoigné auprès de la gendarmerie. Et puis il y a eu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase : « Un proche d'un défunt m'a dit que M. Morice l'avait menacé d'exhumer le corps et de le mettre dans une fosse commune s'il ne payait pas sa facture. » Elle est partie après ça, écœurée. « Voler les morts, c'est d'une bassesse sans nom et ça porte tort à l'ensemble de la profession », s'indigne-t-elle encore.

L'enquête en cours va chercher à établir l'importance des vols et des abus de confiance. « Il existe effectivement des bruits selon lesquels l'entreprise concernée serait rattachée à notre réseau, remarque Philippe Martineau, le directeur général du réseau le Choix funéraire. Il appartient à la justice de faire son travail. Si l'entreprise concernée a effectivement commis les faits reprochés et fait partie de notre réseau d'indépendants, nous prendrons les dispositions qui s'imposent. » Pour Michel Kawnik, président de l'Association française d'information funéraire (Afif), « ces pratiques sont ignobles et constituent un traumatisme important pour les familles ». Joint hier, Thierry Morice relativisait : « J'attends d'être entendu pour donner ma version des faits, dénoncés dans un certain contexte. » Selon lui, ce sont parfois des familles qui ont demandé le retrait de crucifix.

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