FRANCE SOIR

29 octobre 2010

 

Obsèques - Gare aux arnaques

Juliette Demey et Marie Marvier

Lundi, des millions de Français se dirigeront vers les cimetières pour fleurir les tombes de leurs proches. L’occasion de revenir sur les abus des pompes funèbres.

Si la vie n’a pas de prix, la mort, elle, a un coût. De trop nombreuses entreprises de pompes funèbres profitent encore de la détresse des familles pour s’en mettre plein les poches. Refus d’établir un devis, prestations surfacturées ou présentées comme obligatoires, disparité des tarifs… Alors qu’un arrêté du 23 août 2010 impose à partir de janvier prochain des devis à la présentation uniformisée pour tous les opérateurs, l’UFC-Que choisir profite de cette veille de Toussaint pour alerter le gouvernement sur les défauts de lisibilité du modèle proposé. Son communiqué met l’accent sur « le manque de transparence des prix avec des coûts de personnel non dissociés de ceux des prestations, et la création de notions de pratiques « courantes » et « optionnelles », sans inclure les pratiques « obligatoires » déjà prévues par la réglementation existante ».

Surfacturations

Des doutes relayés par Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire (Afif) : « Certaines sociétés pourront facturer quatre porteurs dont un qui sera aussi le chauffeur du corbillard, d’autres factureront quatre porteurs plus un chauffeur… Comment comparer ce qui n’est pas comparable ? Il faudrait que ce devis signale ce qui est obligatoire ou non. »

Depuis l’ouverture du secteur funéraire à la concurrence, les prix ont flambé. 37 % d’inflation en dix ans. Deux fois plus que le coût de la vie. Michel Marchetti, membre de la Confédération professionnelle du funéraire et de la marbrerie (CPFM) explique cette augmentation fulgurante par la diversité des services proposés : « Autrefois, les gens se rendaient chez le menuisier pour le cercueil, chez le fossoyeur, au journal local pour l’annonce, ils effectuaient eux-mêmes toutes les démarches. Les coûts étaient divisés. Aujourd’hui, les pompes funèbres se chargent de l’ensemble. » N’empêche. Les devis peuvent varier, pour une demande identique, de 1.586 € à… 10.248 € ! Ainsi le prix d’un cercueil va de 444 à 2.918 € et celui d’une assistance administrative, de 40 à 480 €, soit 1.100 pour cent d’écart, dans ce dernier cas.

Une nouvelle certification

Michel Kawnik s’en désole : « On constate toujours un non-respect de la législation et, surtout, la manipulation des familles endeuillées ». Celles-ci ne connaissent rien au funéraire : ni les services proposés, ni les obligations, ni les démarches à effectuer. Fragilisés, et donc malléables, les proches signent tout ce qu’on leur demande de signer. Sans parler de la difficulté psychologique à montrer des réticences financières dans ces occasions. 10 à 15 pour cent de familles, seulement, feraient jouer la concurrence. Or, dans une vie, les obsèques constituent le troisième budget, en montant de dépenses, après la maison et la voiture, selon l’Afif. Pour 2,29 millions de Français, la solution passe par un contrat obsèques, destiné à financer leurs propres funérailles.

Pour racheter une réputation à sa profession, le CFPM a décidé de créer une certification NF « services funéraires – organisation d’obsèques » délivrée par Afnor Certification, basée sur des critères d’accueil, de respect, de qualité de prestation, de clarté des devis et des informations. Treize entreprises l’ont déjà reçue. Son développement permettra peut-être enfin d’enterrer les abus.

Repères

538.000 décès en 2009.
Marché funéraire : 2,5 milliards d’euros.
3.000 entreprises de pompes funèbres en France.
95 % des funérailles sont gérés par le secteur privé.
Coût moyen des obsèques (hors frais de cimetière) : 2.500 à 3.500 €.
Le cercueil représente 25 % de ce coût.
37 % d’inflation en dix ans.

Les pièges à éviter

Piège n° 1 : céder à l’urgence
La mort d’un proche est déstabilisante, surtout si elle survient de façon brutale. « Mais quand un décès survient, il n’y a justement plus d’urgence ! 80 % des sociétés de pompes funèbres jouent sur le désarroi des familles et ne leur expliquent pas leurs droits. C’est un abus de position de faiblesse », assène Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire – Afif. Le délai d’organisation des obsèques est de vingt-quatre heures au moins, et de six jours au plus à compter du décès, dimanche et jours fériés non compris. Pour résister à la pression, faites-vous accompagner d’une personne qui n’est pas touchée directement par ce deuil.

Piège n° 2 : de coûteuses prestations en option
Les obligations légales en matière d’obsèques sont restreintes : la fourniture d’un corbillard et d’un cercueil avec une garniture étanche et 4 poignées. Pour une crémation, il faut aussi prévoir une urne funéraire. Mais les opérateurs funéraires ajoutent souvent d’autres prestations, optionnelles. A partir de janvier 2011, la loi les obligera à proposer un devis uniformisé. « C’est un début », convient Michel Kawnik, « mais les sociétés peuvent toujours s’entendre sur les tarifs, interpréter le devis, et employer des termes incompréhensibles pour le public : si on vous parle de “mise à disposition de logistique humaine”, ça veut dire quoi ? ».

Piège n° 3 : le transfert et la préparation du corps
Que le décès survienne à domicile, en clinique ou en maison de retraite, le transfert du corps du défunt vers une chambre funéraire n’est jamais obligatoire. Sa conservation à domicile est possible jusqu’à six jours. L’hôpital ou la maison de retraite peuvent le conserver gratuitement pendant 3 jours, « même si on vous incite à effectuer très vite un transfert, à vos frais, vers une chambre funéraire privée », constate Michel Kawnik. Autre abus : on vous suggère une « préparation du corps ». « Les gens pensent que cela recouvre l’habillage et la coiffure du défunt. En réalité, il s’agit de thanatopraxie, un acte non obligatoire (l’injection de formol pour conserver le corps), qui est facturé 350 à 500 €. »

Piège n° 4 : signer le premier devis proposé
Difficile d’offrir des funérailles « au rabais » sans se sentir coupable. Résultat, à peine 15 % des Français pensent à faire jouer la concurrence. « Or les tarifs varient du simple au triple ! », explique l’Afif. Pour choisir une entreprise de pompes funèbres compétente, comparez les devis (gratuits) avec ces repères : honoraires pour les démarches administratives, coût d’un caveau et d’une fosse, premier prix pour un cercueil en chêne 22 mm équipé, coût du corbillard et des porteurs, nombre de porteurs. Accordez-vous vingt-quatre heures pour lire les contrats à tête reposée.
 

 

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