LIBERATION

5 janvier 2015

   

Où a-t-on le droit d'être enterré ?

 

Il essaie de sortir la tête par le haut de cette affaire, plaidant «l’erreur administrative», mais le mal est fait. Le maire divers droite de Champlan, dans l’Essonne, a refusé d’enterrer dans le cimetière de sa commune une petite fille rom née en octobre et décédée dans la nuit du 25 au 26 décembre. L’affaire a été médiatisée, et depuis les réactions s’enchainent, jusqu’au sommet de l’Etat. «Refuser la sépulture à un enfant en raison de son origine : une injure à sa mémoire, une injure à ce qu’est la France», a tweeté le Premier ministre, Manuel Valls, ancien élu de l’Essonne. Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a déclaré qu’il allait lancer «des investigations». Quelle est la législation en matière de sépulture ? Une municipalité peut-elle refuser une inhumation si son cimetière est plein ?

En France, la gestion des cimetières est du ressort des mairies. Il en existe 50 000 à la louche, personne n’en connaît le nombre exact. Chaque conseil municipal est libre de gérer son (ses) cimetière(s) comme il l’entend : il fixe le prix, la taille et la durée des concessions (quinze ou cinquante ans, parfois perpétuelles) et les attribue à qui il veut.

Mais la loi prévoit aussi des obligations. Le maire doit trouver une place dans son cimetière pour toutes les personnes domiciliées dans sa commune qui en font la demande. Et pour toutes celles qui meurent sur le territoire de sa ville, qu’elles y habitent ou pas : le décès confère automatiquement un droit de sépulture. «Ce qui peut poser quelques difficultés, nous expliquait il y a quelques mois Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire (Afif). Quand un village accueille une maison de retraite par exemple, il doit prévoir les places dans le cimetière. Cela peut aussi coûter cher car si la personne décédée n’a ni ressources, ni famille, c’est la municipalité qui doit payer les frais d’obsèques.»

Et si le cimetière est plein ? Ce n’est pas un argument recevable, le maire ne peut pas se soustraire à son obligation. A lui de s’organiser en amont en récupérant par exemple des sépultures laissées à l’abandon ou en trouvant un terrain pour agrandir son cimetière. Dans sa première version, le maire de Champlan expliquait avoir refusé l’enterrement par manque de «places disponibles», et parce que la «priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux». Cette justification ne tient pas la route.

Se disant «bouleversé», le défenseur des droits, Jacques Toubon, a annoncé dimanche qu’il allait lancer «des investigations» sur les refus de cette inhumation. La secrétaire d’Etat à la Famille, Laurence Rossignol, a jugé sur Twitter qu’on infligeait une «inhumaine humiliation» à la famille rom en lui refusant une «sépulture».

Marie Piquemal

 
 
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Association Française d'Information Funéraire