La législation encadre même la mort. Qu'a-t-on le droit de faire en matière d'inhumation et d'incinération ? En cette semaine pré-fête des morts, quelques conseils à l'usage des vivants.


COMMENT DISPERSER LES CENDRES

Peut-on disperser les cendres au fond du jardin de la propriété familiale ? «C’est autorisé. Mais c’est un cadeau empoisonné, je vous le déconseille vivement, répond Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire (Afif) [www.afif.asso.fr] créée en 1992 pour répondre aux demandes des familles en deuil. Son téléphone sonne en moyenne quinze fois par jour, il connaît la législation et ses travers sur le bout des doigts.

«Le jardin devient alors un lieu de sépulture, avec un droit de passage perpétuel… Et impossible d’y renoncer ! Allez vendre votre maison avec ça…» La loi oblige la famille à inscrire sur le registre d’état civil le lieu où les cendres sont dispersées.

Jusqu’en 2008, il n’y avait pas de réglementation, chacun faisait ce qu’il voulait avec les cendres de ses proches. Désormais, il existe des règles, mais les contours sont un peu flous et surtout, personne ne s’assure qu’elles sont respectées. Aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect, la loi du 19 décembre 2008 n’ayant qu’une portée pédagogique. En pratique, donc, c’est toujours quartier libre.

Pour être dans les clous légaux, sachez qu’il n’est plus autorisé de se partager les cendres et de les garder sur la cheminée. La famille du défunt peut mettre l’urne dans le caveau familial, par exemple. Ou disperser les cendres dans «les jardins du souvenir» prévus à cet effet dans certains cimetières. Ou, dit la loi, «en pleine nature». C’est là que cela devient flou, cette notion n’ayant pas de définition juridique. Sont exclus les jardins publics, routes, chemins ou rivières avec rives aménagées. En revanche, les cendres peuvent être dispersées dans la mer, un champ, une forêt – même privée – à condition que le propriétaire soit d’accord. «Expliquez-moi à qui demander l’autorisation pour une forêt comme Rambouillet ? Pas simple», commente Michel Kawnik.

COMMENT CHOISIR SON CIMETIÈRE

Le couple originaire du Nord de la France qui rêve d’être enterré dans un petit cimetière au soleil sur la Côte-d’Azur… Michel Kawnik reçoit régulièrement ce genre d’appel. Il calme d’emblée les ardeurs. «Inutile de laisser les gens rêver, les maires disent toujours non en pareil cas. Question de place, bien sûr.»

La gestion des cimetières est du ressort des municipalités. Le conseil municipal est libre de déterminer le prix, la taille et la durée des concessions dans son cimetière, et de les attribuer à qui il veut. A quelques obligations près : il doit trouver une place pour toutes les personnes domiciliées dans sa commune qui en font la demande. Et pour toutes celles qui meurent sur le territoire de sa ville : cela confère un droit de sépulture automatiquement. «Ce qui peut poser quelques difficultés. Quand un village accueille une maison de retraite, il doit prévoir les places dans le cimetière… Cela peut aussi coûter cher car si la personne décédée n’a ni ressources, ni famille, c’est la municipalité qui doit payer les frais d’obsèques», ajoute Michel Kawnik.

Donc, pour la faire courte, celui qui s'amourache d’un joli cimetière en bord de mer doit se débrouiller pour mourir dans la ville. A moins d’avoir une concession familiale à cet endroit précisément, sans le savoir…

COMMENT RECOMPOSER SA FAMILLE SOUS TERRE

Quand une personne achète une concession, elle passe un contrat avec la municipalité dans lequel elle précise qui peut en profiter. Cela peut être une concession individuelle ou collective, limitée à quelques personnes dont les noms sont mentionnés expressément. Ou, solution plus ouverte, une concession familiale où pourront se retrouver : les enfants, leurs conjoints (mariés ou pas) et les proches au sens large (cousins, neveux, amis…). Un joyeux mélange, qui se termine parfois en bagarre devant le juge.

La concession funéraire étant hors du commerce, elle n’entre pas dans l’héritage en tant que tel, et se transmet donc en indivision parfaite entre les ayants droit (les enfants, en fait). Tous ont exactement les mêmes droits sur la sépulture. Et comme il y a très souvent moins de places dans la concession que de personnes qui peuvent y prétendre, cela peut tourner au psychodrame. S’ajoute une complication. Un couple fraichement marié, plein d’entrain, achète une concession ensemble… En cas de divorce, s'ils ne s’entendent pas pour modifier l’intitulé du contrat, elle restera à leurs deux noms. Et leurs conjoint et enfants respectifs auront alors tous leur place dans la concession.